Le cercle de Lady Tan - Lisa See

Hello ! 🐉

J'espère que votre dimanche se passe bien et que vous avez passé une excellente semaine. Je vous propose aujourd'hui un avis littéraire sur Le cercle de Lady Tan de Lisa See que j'ai écouté en audio et que j'ai fini il y a quelques jours. Je l'ai écouté en français, car j'ai trouvé la traduction très bonne…

Avant toute chose — vous devez être habitués maintenant — je vous laisse le résumé plus bas pour que vous puissiez vous faire une idée de l’intrigue de ce roman historique! ↓

Historique – 464 pages – Livre audio – 17/20 – Chine impériale, médecine, traditions, féminisme - En français


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Lady Tan sera-t-elle libre de tracer sa propre voie, quitte à tout risquer, ou forcée de sacrifier ses rêves au nom du devoir ?

"Si l’on en croit Confucius, « une femme instruite est une femme inutile ».

Pourtant, Yunxian Tan, née dans une famille des plus éminentes, est élevée par ses grands-parents justement pour être utile. Sa grand-mère est l’une des rares femmes médecins en Chine, et elle lui enseigne les quatre piliers de la médecine chinoise. 

Dès l’enfance, Yunxian se familiarise avec les maladies féminines, souvent liées à la maternité, aux côtés de Meiling, une jeune sage-femme en formation. Animées par une même vocation, toutes deux se promettent de rester amies pour toujours, partageant leurs joies et leurs peines.

Mais lorsqu’on impose à Yunxian Tan un mariage arrangé, on lui interdit de revoir Meiling et d’apporter son aide aux femmes et aux filles de la maison. Elle doit se conformer à son rôle d’épouse, donner naissance à des garçons, et passer le reste de sa vie entre les murs de la propriété familiale."

Comment une femme comme Yunxian pourrait-elle se libérer de ces traditions et mener une vie d’une telle importance que bon nombre de ses remèdes sont encore utilisés cinq siècles plus tard ? En quoi le pouvoir de l’amitié pourrait-il soutenir ou compliquer ces efforts ?

Ce roman est une histoire captivante de femmes qui s’entraident — une réinvention triomphante de la vie d’une femme remarquable sous la dynastie Ming, qui serait tout aussi remarquable aujourd’hui."

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J'ai adoré ce roman. Je n'ai pas l'habitude de lire des livres historiques et je dois admettre que je ne connaissais que peu la Chine Impériale et ses traditions. J'ai appris énormément de choses lors de mon écoute tout en passant par de multiples émotions. 

La médecine est l’un des sujets les plus importants de ce roman. Bien qu’un peu désuète de nos jours, certaines traditions subsistent encore en Chine, tandis que d’autres ont été abandonnées. Par exemple, l’acupuncture, la médecine par les plantes (notamment les thés et les breuvages), la moxibustion (que Yunxian pratique avec sa grand-mère à l’aide de bâtonnets d’armoise brûlée) ou encore l’intégration d’éléments naturels comme le vent pour rééquilibrer le Qi — c’est-à-dire l’énergie vitale — sont encore présentes dans la médecine chinoise actuelle. 

D'autres techniques ne sont plus pratiquées, certaines ont même été interdites. Le roman se passant au XVe siècle, la médecine a bien évolué depuis. Par exemple, le diagnostic des patientes à travers un rideau ne se pratique plus actuellement alors que dans le roman, Yunxian, en tant que femme médecin, soigne d'autres femmes qu’elle ne peut ni toucher ni regarder directement à cause des normes de pudeur. Elle doit poser son diagnostic à distance ou via une servante. De même pour l'utilisation de produits animaliers ou humains jugés comme toxiques, voir inutiles - je pense notamment à l'urine de jeune garçon, de la poudre d'os, de la corne de rhinocéros… C'est aujourd'hui interdit en Chine.

Le rôle de la femme médecin a considérablement évolué depuis le XVe siècle, un siècle où Lady Tan ne pouvait exercer qu’en secret, uniquement auprès des femmes, sans aucune reconnaissance officielle. À l’époque, les femmes n’avaient aucun pouvoir, et leur parole était rarement prise au sérieux. Yunxian cache ainsi ses consultations à sa belle-mère et à son mari, bien qu’ils finissent par le découvrir. Son amitié avec une sage-femme est également très mal vue, car ce métier, associé au sang et à l’accouchement, était considéré comme impur et dégradant. Cette relation incarne l’un des thèmes centraux du roman : le courage féminin, la solidarité entre femmes et la remise en question des normes sociales rigides. J'ai appris beaucoup de choses sur la médecine et j'ai adoré cet aspect. L'autrice connaît parfaitement ces traditions-ci et tout est assez simple à comprendre. 


« Mais je crois que nous avons encore plus à gagner que l’admiration d’un mari, et c’est la compassion. Nous n’aimons peut-être pas les concubines, mais il est important de se rappeler que chacune d’elles est sortie du ventre d’une femme. Chaque fille — peu importe à quel point elle est mesquine ou malchanceuse — a eu une mère qui l’a allaitée et soignée. »


J’ai apprécié le personnage de Yunxian, que j’ai trouvée très humaine et bien écrite. Il était passionnant de la suivre dans son quotidien, à la fois comme femme et comme médecin. Elle n’est pas parfaite, mais elle est très attachante, surtout par son dévouement à la cause des femmes, une force qu’elle tire clairement de sa grand-mère. À plusieurs reprises, elle ose défier les traditions, comme celle du "moi". Comme toutes les femmes de son époque, Yunxian doit rester alitée pendant 28 jours après l’accouchement, selon une ancienne tradition appelée zuo yuezi, qui signifie littéralement "s’asseoir pendant un mois". Ce repos vise à permettre au corps de retrouver son énergie vitale (Qi) et à éviter les déséquilibres comme le Froid ou le Vent, censés provoquer des maladies chroniques. Yunxian respecte cette règle, mais la remet aussi en question, notamment lorsqu’elle décide d’aider sa tante en pleine nuit, et ce malgré les interdits.

J'ai aussi trouvé ce roman franchement triste, notamment pour les femmes. Dans la société impériale chinoise (et encore de nos jours dans certains cercles, bien qu'heureusement en un peu moindre), la femme n'a aucun droit, seulement des devoirs. Elle doit se marier et avoir des enfants, notamment des fils pour la continuité de la lignée. Il est dit dans le roman que la femme est d'abord soumise à ses parents, puis à son mari, puis à son fils... C'est asse dégrant pour la femme, qui n'est considéré que comme un objet rapporté. Yunxian est mariée très jeune, vers ses quinze ans, a un homme qu'elle ne connaît pas. Elle le rencontre le jour de son mariage et pour lui plaire, elle a pendant des années, bandé ses pieds. 

Le bandage des pieds était une tradition chinoise ancienne consistant à comprimer les pieds des petites filles pour qu’ils restent petits, formant ainsi les "pieds de lotus", considérés comme un idéal de beauté et un signe de statut social. Cette pratique, très douloureuse, provoquait des déformations, des infections et des handicaps à vie. Dans Le Cercle de Lady Tan, Yunxian subit, elle aussi, ce rituel imposé aux jeunes filles de bonne famille. Ce moment marque son entrée dans un monde féminin fait de souffrance et de soumission, qu’elle finira par remettre en question. Elle comprend elle-même pourquoi les petits pieds sont si attirants pour les hommes, leur rappelant la forme du vagin d'une femme, soulignant l'hypersexualisation dont sont victimes les femmes, notamment les jeunes filles.


"The Imperial Doctoress", une série basée sur la vie de Yunxian Tan (2016)


Pendant des années, Yunxian ne donne que des filles à son mari (au grand malheur de sa belle-mère). Son mari prend donc une concubine mineure, une tradition qui était très ancrée dans la société chinoise impériale. Je pense que c'était l'élement le plus triste dans ce roman, tant pour la femme que pour la concubine. L'épouse voit son mari être intime avec parfois plusieurs très jeunes filles (notamment dès que la femme est considérée trop vieille, c'est-à-dire à l'époque, vers quarante ans) sans qu'elle puisse dire quoi que ce soit. Certaines femmes ont été également tellement éduquées dans ces traditions qu'elles offrent elles-mêmes des concubines à leurs maris. Heureusement que la polygamie est interdite dans la Chine actuelle.  

Les concubines sont très jeunes, souvent mineures, et se retrouvent contraintes d’être intimes avec des hommes ayant majoritairement deux ou trois fois le double de leur âge, sans avoir aucun droit. Elles ne sont reconnues ni légalement ni socialement, vivant dans l’ombre de l’épouse principale. Considérées comme inférieures, elles n’ont aucun pouvoir de décision, et leur statut fragile les expose à l’humiliation, à l’abandon, voire à la violence, sans possibilité d'y faire quoi que ce soit. C'était franchement très triste, voir humiliant à lire, surtout que si elles donnent des fils à l'homme en question, l'enfant se voit rattaché à l'épouse principale. Elles n'ont donc aucun statut en tant que femme et mère. L'instrumentalisation du corps des femmes est l'un des sujets les plus navrants de ce roman, et bien que ç'a évolué, il n'en reste que nous avons encore du chemin à parcourir.

Les hommes ne sont pas en reste non plus. Les eunuques, des hommes castrés, sont privés de leur masculinité, souvent contre leur gré ou en échange d’argent, dans l’espoir d’accéder à un poste dans le palais impérial. Lady Tan le dit elle-même : ces jeunes garçons, mutilés dès l’enfance, deviennent des objets de plaisir entre les mains de femmes riches et puissantes. Déshumanisés, ils n'existent que pour satisfaire les désirs intimes de ces dames, sans jamais pouvoir espérer une vie "normale". Leur souffrance révèle une autre facette de l’oppression du corps dans cette société hiérarchisée et patriarcale, où même les hommes peuvent être sacrifiés au nom du pouvoir.

Cependant, tout n’était pas sombre ! L’amitié entre les femmes est l’un des aspects les plus touchants du roman, même si, comme mentionné plus tôt, elle est souvent mal vue par la société. Yunxian et Meiling (la sage-femme) sont amies depuis l’enfance et se montrent d’une loyauté farouche, malgré les hauts et les bas de leur relation. En raison de leurs statuts sociaux très différents, elles finissent par se perdre de vue pendant plusieurs années avant de se retrouver. Meiling, qui vit dans la pauvreté, fait une fausse couche et ne parvient plus à avoir d’enfant, tandis que Yunxian, plus aisée, tombe enceinte sans difficulté, ce qui crée des tensions entre elles. Pourtant, elles ne se trahissent jamais, et malgré les ragots et les jugements extérieurs, leur lien se renforce au fil des épreuves qu’elles traversent, en tant que femmes, épouses et mères. J’ai trouvé Meiling particulièrement forte et courageuse : elle travaille sans relâche, parfois jusqu’à l’épuisement, et ne baisse jamais les bras face à une société qui, il faut le dire, ne lui accorde aucune faveur.


L'ouvrage de Tan Yunxian est disponible en ligne en anglais 


J’ai aussi beaucoup apprécié la structure du roman, qui nous permet de suivre Yunxian à travers toutes les étapes de sa vie. Les « jours de lait » évoquent son enfance, les « jours d’épingles à cheveux » correspondent à l’adolescence et au mariage, les « jours de sel et de riz » représentent la maternité et les responsabilités du foyer, et enfin, les « jours de tranquillité » marquent le temps du recul et de la sagesse, lorsque les enfants sont élevés et que la vie ralentit. Il n'y avait pas une période de la vie de Lady Tan qui n'était pas touchante ou inintéressante et j'ai apprécié suivre Yunxian du début jusqu'à la fin, la voyant évoluer et grandir au fil de ces passages de vie. 

Bref, un superbe roman qui m'a fasciné, me rendant aussi triste et qui m'a fait apprendre énormement de choses sur les traditions chinosies. Je lirais sûrement d'autres ouvrages de l'autrice et je me tournerais plus facilement vers les romans historiques, que j'ai un peu délaissé ces dernières années.

→ Ma note finale est de 17/20. Je tenais aussi à tirer mon chapeau à la narratrice de ce livre audio qui a fait un fabuleux travail, rendant justice à ce roman! 

Une lecture aussi enrichissante qu’émouvante, que je recommande vivement.


Ps : N'oubliez pas de me suivre sur mon GoodReads pour voir toutes mes lectures! 

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Avez-vous lu ce roman ou le connaissiez-vous ? Dites-le-moi en commentaire! On se retrouve la prochaine fois pour (normalement) deux chroniques ! Excellent dimanche !  🔅



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